Tout commence avec le 6 octobre 1894 avec un décret transforme l’école primaire supérieure annexée au collège de Romans en école pratique de commerce et d’Industrie puis en avril – mai 1911, l’installation de cette école dans un bâtiment neuf financé grâce au legs généreux d’Auguste Bouvet à la ville de Romans qui donne son nom à la rue qui borde l’école. En novembre 1913 est ouverte une section de cordonnerie.
En mars 1947, l’école pratique est transformée en « collège nationalisé technique » (CNT), à effet le 1er octobre 1950, est créée une section de techniciens des industries et commerces de la chaussure, les pouvoirs publics reconnaissant ainsi la qualité de son enseignement.
Le CNT prépare au C.A.P. et au brevet d’enseignement industriel (ajustage, tournage, dessin industriel, électromécanique, menuiserie, cordonnerie, fabrication mécanique des chaussures). Il prépare également les «bons élèves (!) » au baccalauréat technique première et deuxième partie et aux concours de recrutement pour les emplois de techniciens (aviation, armée, marine, etc…).
Au CNT est annexé un centre d’apprentissage pour garçons et un centre d’apprentissage pour jeunes filles, dans de petits locaux, rue Guibert, avec un internat au collège de Bourg-de-Péage.
L’exiguïté des locaux devient problématique, on commence à parler de la construction d’un nouveau bâtiment notamment sous la pression M. Dhivert directeur depuis 1937.
Dés 1953, la municipalité Paul Deval fait l’acquisition des premières parcelles, quartier Mat-Bâti, à proximité du CNT, rue Bouvet, dont elles ne sont séparées par la voie ferrée. En janvier 1955, l’inspecteur principal de la Drôme précise à la direction de l’enseignement technique le projet d’alors : un regroupement administratif sur la rue Bouvet avec un agrandissement et la construction d’un internat Mat-Bâti.
En octobre 1955, Pierre Didier devient maire et donne une autre dimension au projet avec la construction d’un véritable lycée « digne de Romans » sur un terrain aussi vaste que possible, quartier Mat-Bâti, placé aux portes de la ville afin que nulle barrière n’entrave leur développement, les acquisitions de parcelles se poursuivent non sans difficultés. L’état suit : en 1956, il est prêt à subventionner à 60 % un financement de 400 millions « d’anciens francs » [ environ 6,7 millions d’€ ] pour la construction « d’une cité scolaire » et l’acquisition des terrains nécessaires. Un architecte romanais, Mathieu, propose un premier projet recalé par le ministère, qui préfère, en 1957, un architecte grenoblois Kaminski, en contrepartie d’un financement total du projet. Il y a urgence.
En effet, à la rentrée de septembre 1958, pour accueillir les 1100 élèves, les locaux de la rue Bouvet sont insuffisants si bien qu’un candidat sur deux n’a pu trouver place dans les sections existantes et que n’ont pu être créées les sections nouvelles dont les besoins se font sentir : section pratique commerciale, section commerciale spéciale, section électricité-électronique, sections diverses pour les métiers du bâtiments. Quatre classes démontables ont été installées, deux dans le parc Bouvet, deux à Bourg-de-Péage. Par décision ministérielle, deux de ces sections sont annulées (postes de professeurs insuffisants). «Aussi nombre d’élèves étrangers à nos deux villes ont du chercher un autre établissement (…) Notre CNT dans sa préparation au bac n’attend plus que ses futurs bâtiments pour atteindre son plein épanouissement». Le recrutement des élèves en fabrication mécanique des chaussures s’étend à la «France métropolitaine et la France d’outre-mer» avec notamment des élèves venus d’Algérie, du Cameroun et de la Guadeloupe. Pierre Didier précise dans un interview : «le collège technique compte des élèves et d’anciens élèves de tous les départements de France et de presque tous les pays de la communauté (la France d’outre-mer), le placement des anciens élèves est facilement assuré par les seules offres d’emplois que reçoit la direction ; les anciens occupent souvent dans le commerce et l’industrie, ou l’administration des places de choix».
A la rentrée de 1959, l’effectif est de 971 élèves pour le collège technique et 299 pour le centre d’apprentissage. Seuls sont logés 282 internes, 233 logés chez des particuliers. De nombreux candidats sont refusés faute de place. Le CNT doit limiter son recrutement à une partie de la Drôme et de l’Isère pour les sections fer, bois et commerce.
Cette inquiétude est cependant en passe d’être levée car depuis le débute de l’année le projet de cité scolaire est devenu une réalité : en février les adjudications ont été réalisées et la «première benne de béton coulée». Ce sont alors 150 ouvriers à pied d d’œuvre et cinq centrales de béton distribuent vers six ou sept grues l’élément indispensable à la construction. Le coût de cette cité scolaire se monte à 1,4 milliards d’anciens francs [environ 23,5 millions d’€ ce qui correspond au coût du projet de restructuration du lycée du Dauphiné financée par la région Rhône-Alpes estimé, en avril 2009, à 25,7 millions d’’€ ] ; 600 millions d’anciens francs concernant le gros œuvre.
Les différents bâtiments sont réalisés en moins de18 mois (bien que la réception définitive ait lieu le jeudi 16 novembre 1961) ; en septembre 1960, les bâtiments sont terminés ainsi que les abords et les pelouses «qui ont pris très belle allure». Il a fallu 15 000 m3 de béton, 4500 tonnes de ciment, 700 tonnes de fer d’armature et 90 000m² (il s’agir d’un nouvelle technique) de coffrages en contreplaqué permettant le mouvement du béton brut sans qu’aucune retouche n’ai à intervenir après le démoulage.
Le nouvel espace scolaire occupe huit hectares sur lesquels s’élèvent les différents bâtiments.
A l’ouest, l’internat, long de 130 m et large de 17 m, s’élève sur quatre niveaux et un sous-sol doublé d’une chaufferie, le rez-de-chaussée étant pour l’essentiel réservé au foyer des élèves, à la lingerie et à douze salles d’études. Le premier étage reçoit le centre médical, les logements d’infirmières, les chambres des isolés, les dortoirs d’infirmerie, les blocs sanitaires. Les deuxième et troisième étages, plus de 2000 m², sont affectés aux dortoirs de 576 lits et aux installations sanitaires et offrent huit appartements.
L’externat est un bâtiment de 132 m sur 10 m, construit sur piliers et comporte trois étages sur un rez-de-chaussée servant de préau, de salle de permanence et de salle réservée aux surveillants. Le premier étage groupe la cuisine pédagogique, les salles de blanchisserie, de repassage, de coupe et de couture, de raccommodage, les classes de sciences naturelles, les amphithéâtres et les salles de collections (physique, chimie) ainsi que les labos photo et les salles de session. Le deuxième étage reçoit les salles de dessin et de réunion pour les professeurs, le troisième étage est réservé aux salles d’enseignement.
Entre l’externat et l’internat, se trouve le bâtiment des services généraux dont le rez-de-chaussée comprend les réfectoires et une cuisine qui peut servir plus de 1000 repas.
Les ateliers sont de loin les bâtiments les plus importants. Ils sont formés d’une série de sheds couvrant une superficie de 7400 m² et ont été construits selon une technique novatrice mise au point pour ce bâtiment. Les voûtes sont faites de béton précontraint de 6 à 12 cm d’épaisseur, de 7,75 m de largeur et d’une portée de 13,35 m dans le sens de la mise en place des génératrices sans qu’aucun appui intermédiaire vienne soutenir les portées. Les sheds ont été coulés d’une seule pièce grâce à des coffrages roulants et chaque partie a été démoulée immédiatement après la mise en tension de l’énorme câble d’acier chargé de renforcer le précontraint, c’est à dire quatre à cinq jours après le bétonnage. «Cette réalisation unique à ce jour en France a d’ailleurs amené de nombreux entrepreneurs français à visiter au fil des mois, ce chantier en pleine évolution».
Révolution dans le domaine du béton également pour le gymnase couvert par une toiture de 800 m² placé entièrement en porte-à-faux sur quatre poteaux chargés de supporter deux portiques extrêmement minces de 20 m de long. Un journaliste de l’époque note : «l’équilibre qui parait instable de cette masse de béton a amené plus d’un technicien à des commentaires peu flatteurs à l’égard de ceux qui ont réalisé le plan et pourtant, après une étude sérieuse du système, il s’avère que ce genre de soutènement (a prouvé sa) grande robustesse».
A l’entrée de la cité, un bâtiment de 28 m sur 11 m est réservé à l’administration avec son secrétariat, son magasin de fourniture, son bureau d’intendance, sa salle du conseil et le logement de l’inspecteur. La conciergerie qui lui fait face comprend un logement avec parloir et salle de réception.
Le 15 septembre 1960, le CNT, devenu « lycée technique nationalisé », et le centre d’apprentissage pour garçon, « collège d’enseignement technique », s’installent dans la nouvelle cité scolaire.
Le lycée technique propose alors une large gamme de formations ouvrant au brevet commercial (secrétariat, emploi de bureau, comptabilité), à divers CAP et brevet industriel (mécanique générale, électricité, dessin industriel, menuiserie, fabrication mécanique). Il comprend différentes sections : sciences économiques, industrielle, technique et une section des techniciens des industries et commerces de la chaussure. Le lycée prépare au baccalauréat technique et aux écoles d’ingénieurs, En septembre 1961, 200 élèves fréquentent les classes de cinquième et 800 les classes de la quatrième aux sections de techniciens supérieurs.
Les sections industrielles sont installées dans les ateliers dont 2.500 m² sont réservés aux formations de la chaussure comme la fabrication mécanique qu’il s’agisse du montage soudé, du Louis XV, des services de coupe, de piquage ou de la fabrication «good year». Sont aussi enseignées la ferronnerie, la menuiserie, l’ajustage, l’utilisation des machines-outils. Ses halls abritent aussi la bibliothèque et les bureaux des chefs d’atelier.
Le C.E.T. reste annexé au lycée technique et compte 500 élèves dans les sections maçonnerie, platerie-peinture, plomberie-zinguerie, chauffage central.
Les locaux de la rue Bouvet ne sont cependant pas abandonnés car ils conservent les sections des métiers du bâtiment et reçoivent les classes de sixième du lycée classique et le collège d’enseignement technique féminin (ex centre d’apprentissage féminin) qui abandonne la rue Guibert. Pour cette raison, le C.E.T. féminin, qui prépare au C.A.P. pour la culture et l’enseignement ménager, voit son effectif passer de 56 à 130 élèves avec notamment l’ouverture d’une section d’agent de collectivités et l’ouverture d’un internat féminin qui héberge 100 jeunes filles dont 80 du lycée technique.
1960 est une année charnière dans la réorganisation de l’enseignement technique à Romans qui laisse présager un attrait et une augmentation des effectifs scolaires. D’ici 1964, 200 élèves supplémentaires sont prévus au lycée pour dépasser les mille élèves et « nul doute que dans un prochain avenir il y aura lieu d’agrandir les locaux de la rue Bouvet ».
En cette fin 1960, la satisfaction est générale pour ce grand chantier réalisé dans les temps bien qu’il ait fallu dix ans entre la première réflexion et la mise à la disposition des élèves. L’un des acteurs a suivi l’ensemble du projet depuis les origines et a fait montre de détermination malgré les aléas et les contretemps, il s’agit du directeur, M. Dhivert qui, le 1er décembre 1960, reçoit la croix de chevalier de la Légion d’honneur. La cérémonie a lieu dans la salle de réception du lycée sous les auspices de l’inspecteur général de l’enseignement technique, M.Meunier qui, dans son discours, souligne : « ce lycée est sans aucun doute, le plus beau fleuron de la couronne que forment les établissements techniques de toute la région, […] il est digne de la capitale de la chaussure». Pour, le maire, Pierre Didier, « le centre technique est un atout majeur dans l’expansion économique de la cité », vision optimiste d’une époque, les Trente Glorieuses, dans une France à apogée de son industrialisation.
A partir de 2017, le lycée du Dauphiné bénéficiera d’une restructuration totale, 60 ans après sa construction, afin d’offrir aux élèves et aux personnels les conditions de travail les plus adaptées aux exigences d’éducation de ce début du XXIè siècle